15 Etats-membres en panne d’inspiration sur la rénovation des bâtiments
A Wroclaw, en Pologne.
La Commission européenne vient de soumettre ses idées pour réduire les émissions des bâtiments européens. Mais beaucoup de pays ont omis de contribuer, ce qui fragilise le projet.
L’exécutif européen a dévoilé le 14 octobre ses propositions pour concrétiser le plan de rénovation de l’habitat, ou « renovation wave ». Un pilier majeur du plan de relance et du Pacte vert européen, puisque les bâtiments engloutissent 40 % de l’énergie consommée chaque année, et émettent 36 % des gaz à effet de serre.
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Pour l’UE qui espère réduire de -55 %, voire -60%, ses émissions de CO2, le défi est de taille. Le bâtiment est aussi clé dans le plan de relance : alors que les licenciements se multiplient, une vague de rénovation massive pourrait tirer l’activité économique, grâce à de nouveaux emplois et une relance de l’écosystème de la construction. C’est en tout cas le propos d’Ursula von der Leyen, qui envisage la vague de rénovation comme un « pont entre la science, la technologie, les arts et la culture » a-t-elle précisé mi-octobre.
Un projet hors-sol pour les bâtiments ?
Face à cette ambition majeure, les moyens peuvent surprendre : la Commission européenne a mis sur la table sa proposition sans connaitre la situation dans la moitié de l’UE. Ce qui la rend quelque peu hors-sol. Quinze Etats membres* n’ont en effet pas encore rendu leur stratégie sur la rénovation de long-terme des bâtiments, qu’ils auraient dû soumettre en mars dernier. C’est pourtant sur ces propositions que doit s’appuyer tout le plan. Même la très européenne Belgique est à la traîne : seules les régions de Bruxelles et de Flandre ont rendu leur copie.
« Nous travaillons étroitement avec les Etats membres qui n’ont pas soumis leurs plans » assure un porte-parole de la Commission, reconnaissant l’importance de ces documents pour « identifier des mesures concrètes, notamment en matière de logement social, de passoires thermiques, de bâtiments publics comme les écoles et les hôpitaux ».
Le manque d’information sur la moitié de l’Union européenne ne représente qu’un des obstacles de ce dossier « particulièrement compliqué » reconnait Thibaud Voïta, expert sur le climat et chercheur associé à l’Ifri. « Contrairement aux objectifs d’énergies renouvelables, les Etats n’ont pas le contrôle des acteurs qui peuvent investir. On ne peut pas forcer des occupants ni des propriétaires à rénover leurs appartements » explique l’expert, qui s’interroge donc sur la capacité de l’UE à rénover un tiers de son parc immobilier d’ici 2030. Moins ambitieuse, la précédente tentative, qui visait seulement 10 % du parc, a échoué : l’objectif d’efficacité énergétique pour 2020 au niveau européen ne sera pas atteint, contrairement aux cibles sur les renouvelables ou sur les réductions d’émissions de CO2.
Manque de rentabilité
« Un des problèmes, c’est que la rénovation n’est pas rentable, étant donné les prix actuels de l’énergie et du carbone : les économies réalisées sont marginales. A moins de faire des rénovations en kits comme Energiesprong, qui représente une solution clé en main » assure l’auteur d’une étude paneuropéenne sur le sujet. Parmi les pratiques intéressantes, l’Allemagne a mis en place des prêts bancaires à taux zéro, par le biais de l’équivalent de la Caisse des dépôts ; l’Irlande a lancé un grand plan de rénovation pour pallier la crise financière de 2008, avec un certain succès ; les pays de l’Est ont encore des pratiques énergivores, mais sont motivés par l’idée de rompre leur dépendance au gaz russe. Les situations sont donc très disparates, tout comme les habitats et les modes de vie.
Mais les solutions ne sont pas légion. « Il faudra aussi passer par la sobriété énergétique, ce qui implique une évolution des modes de vie » assure Thibaud Voïta. C’est peut-être en partie ce à quoi l’exécutif songe en lançant l’idée d’un « nouveau Bauhaus européen », qui apporterait le Pacte Vert au plus près des esprits et des maisons des citoyens.
*Belgique, Bulgarie, Croatie, Grèce, Hongrie, Italie, Lettonie, Lituanie, Malte, Pologne, Portugal, Roumanie, Royaume-Uni, Slovaquie, Slovénie
Article réalisé en partenariat avec la Fondation Heinrich Böll