Dans le contexte actuel de préoccupation croissante pour l’environnement et la lutte contre le réchauffement climatique, les politiques visant à réduire les émissions de gaz à effet de serre se multiplient. Parmi elles, l’ajustement carbone aux frontières fait désormais partie des mesures les plus discutées. Cette approche vise à taxer les importations en fonction de leur empreinte carbone, afin d’éviter les fuites de carbone qui résultent du déplacement de la production vers des pays moins regardants sur leurs normes environnementales.
Comprendre l’ajustement carbone aux frontières
L’ajustement carbone aux frontières consiste à imposer un tarif sur les biens importés dont la production génère des émissions de gaz à effet de serre supérieures à celles des biens produits localement. L’objectif est de protéger les industries locales soumises à des régulations environnementales strictes face à la concurrence déloyale des pays qui ne respectent pas ces mêmes règles. Au-delà du levier économique, cet ajustement a également pour but d’inciter les pays exportateurs à adopter des méthodes de production moins polluantes et de contribuer ainsi à la réduction globale des émissions.
Pourquoi ce mécanisme est-il nécessaire ?
L’un des principaux défis rencontrés dans la mise en œuvre d’une action climatique ambitieuse est celui de l’engagement des différents acteurs sur un pied d’égalité. En effet, certains pays ont adopté des politiques environnementales plus strictes que d’autres, entraînant ainsi une distorsion de la concurrence. Les firmes internationales peuvent délocaliser leur production vers des régions où les coûts associés aux émissions de CO2 sont moins élevés.
Cette problématique a plusieurs conséquences :
- Une perte de compétitivité pour les industries vertueuses
- L’affaiblissement de l’efficacité des mesures adoptées par les pays engagés dans la lutte contre le changement climatique
- La torpille des efforts mondiaux visant à réduire collectivement les émissions de gaz à effet de serre
Quels seraient les principaux contours d’un ajustement carbone aux frontières ?
Pour mettre en place un dispositif efficace, plusieurs éléments doivent être pris en compte. Premièrement, il faudrait déterminer quels types de biens et de pays seraient concernés. L’idée serait d’inclure principalement les secteurs à forte intensité énergétique et les partenaires commerciaux majeurs qui ne respectent pas les objectifs pour limiter leurs émissions.
De plus, la méthodologie pour calculer l’empreinte carbone des biens importés doit être robuste et transparente. Des critères uniformes permettraient d’évaluer chaque produit de manière précise et comparable. Enfin, il conviendrait de prendre en compte les éventuelles répercussions sur le commerce international et la souveraineté des Etats.
Les avantages de l’ajustement carbone aux frontières
L’implémentation d’un tel mécanisme présente plusieurs atouts pour les pays engagés dans la lutte contre le changement climatique :
- Rétablir une concurrence équitable : en taxant les produits importés en fonction de leur empreinte carbone, il serait possible de compenser les coûts supportés par les industries locales du fait des régulations environnementales. Cela permettrait de protéger leurs emplois et leur compétitivité.
- Influencer les normes internationales : face à la mise en place d’un ajustement carbone aux frontières, les pays exportateurs seraient incités à adopter des politiques plus respectueuses de l’environnement afin de rester compétitifs sur le marché mondial.
- Favoriser les technologies vertes : ce type de mesure encouragerait les entreprises à innover et à investir dans des technologies moins polluantes pour garder leur avantage concurrentiel.
- Financer la transition écologique : les recettes obtenues grâce à l’ajustement carbone pourraient être utilisées pour financer des projets environnementaux nationaux ou internationaux.
Quels sont les obstacles à sa mise en œuvre ?
Toutefois, la mise en place d’un ajustement carbone aux frontières soulève plusieurs questions et craintes :
- Complexité administrative : l’évaluation précise de l’empreinte carbone des produits importés nécessiterait la collecte et l’analyse d’une multitude de données, ce qui engendrerait une charge de travail importante pour les administrations concernées.
- Risques de rétorsion commerciale : certains pays pourraient percevoir cette mesure comme une forme de protectionnisme déguisé et y répondre par des mesures similaires ou des sanctions sur les exportations.
- Compatibilité avec les accords internationaux : il faudrait veiller à ce que le dispositif soit compatible avec les règles de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) et les accords bilatéraux en vigueur entre les États impliqués.
Vers une concrétisation progressive de l’ajustement carbone aux frontières
Au niveau international, l’idée de l’ajustement carbone aux frontières est en train de gagner en popularité. L’Union européenne a pris les devants avec l’annonce de sa volonté d’introduire un mécanisme d’ajustement carbone aux frontières d’ici 2023, dans le cadre du pacte vert européen. Cette initiative pourrait ainsi être un exemple à suivre pour d’autres pays et régions souhaitant contribuer activement à la lutte contre le réchauffement climatique et assurer une concurrence équilibrée entre les acteurs économiques mondiaux.