Le défi d’une reprise économique décarbonée
Le trafic aérien renouera-t-il avec sa croissance d'avant la crise ?
Seule une petite part des plans de relance déployés dans le monde face à la crise déclenchée par le Covid-19 soutient la transition vers une économie bas-carbone. Dans ce contexte, des entreprises tentent pourtant de mettre en œuvre des stratégies de décarbonation.
A peine 17% des quelque 340 milliards de dollars dépensés pour la relance post-Covid dans le monde favoriseraient réellement la décarbonation de l’économie. C’est le constat que tire l’OCDE de l’analyse des plans de relance mis en œuvre par les pays les plus développés. Peu suspect d’anti-capitalisme et encore moins adepte de la décroissance prônée par certains, l’organisme regrette que l’immense majorité des dépenses soit, au mieux, sans effet sur la nécessaire ré-orientation de nos économies. Voire, qu’elle la ralentisse.
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L’énergie et les transports terrestres sont les secteurs qui bénéficient le plus de mesures à composante environnementale. Une bonne chose au vu de leur poids respectif dans les émissions mondiales. A l’inverse, dans le transport aérien et l’industrie, où les lobbyistes ont fait feu de tout bois, les mesures instaurées sont à tout le moins mitigées, quand elles ne constituent pas des retours en arrière en matière de climat !
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La biodiversité, l’eau, et plus encore les secteurs des déchets, du recyclage et de la sylviculture sont les parents pauvres des mesures et des investissements « verts », essentiellement orientés vers l’atténuation du changement climatique.
Occasions manquées
Pourtant, ces plans de relance, rendus nécessaires pour réagir à l’effondrement économique engendré par la pandémie, auraient pu constituer de formidables opportunités de mettre nos économies sur les rails de la décarbonation. Pour préparer, dans des délais accélérés, le « monde d’après » appelé de leurs vœux par de nombreux experts du climat à l’issue du premier confinement. Alors que les premiers constats font parfois état d’une reprise plus carbonée qu’avant la crise, notamment en Asie, Chine en tête, où pas moins de 600 centrales à charbon sont en construction.
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L’effondrement des cours du pétrole dans un premier temps, et en tous cas leur volatilité, ne favorise guère la compétitivité des solutions bas-carbone. Ce qui nuit aux investissements dans ces technologies.
Les gouvernements auraient pu assortir les aides accordées aux acteurs économiques d’objectifs, voire d’obligations de performances en matière de climat. Ce qui n’a quasiment jamais été le cas.
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Mais aussi, cibler de façon plus fine les entreprises bénéficiaires et les actions soutenues. Par exemple, en favorisant la reconversion de salariés de secteurs en perte de vitesse, vers des secteurs en manque de bras, en mettant l’accent sur la formation. La rénovation énergétique, par exemple, coche toutes les cases en termes de maintien de l’emploi et de climat. Mais elle souffre d’un déficit de forces vives et de compétences adaptées aux nouveaux enjeux, qui semble difficile à résorber au fil du temps.
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Tarification du carbone et fin des subventions aux énergies fossiles
Autre mise en garde formulée par l’ODCE : le risque de négliger les startups et les petites structures, pourtant en première ligne pour les innovations de rupture rendues nécessaires par l’urgence climatique. Souvent plus fragilisées par les crises, elles bénéficient pourtant moins des plans de relance que les acteurs historiques. D’où le conseil des experts : veiller à rétablir une certaine égalité de traitement lors de la reprise. Et ne pas cesser d’investir dans la R&D décarbonée.
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Pour financer cette relance « verte », l’OCDE vante les revenus d’une tarification du carbone, tout en soulignant le besoin de mesures compensatoires destinées à garantir leur caractère redistributif et leur acceptabilité. Autre source de financement possible : récupérer les subventions et autres exemptions fiscales accordées aux énergies fossiles, environ deux fois plus élevées que celles dont bénéficient les énergies renouvelables.
Prolonger les comportements vertueux adoptés sous la contrainte
Concernant les consommateurs et usagers, dont les comportements ont dû évoluer sous la contrainte lors des confinements, il serait judicieux de les inciter à poursuivre ceux les plus en ligne avec l’urgence climatique : télétravail, recours aux mobilités douces, remplacement des voyages d’affaires par des visio-conférences. Mais aussi, priorité aux circuits courts et aux produits locaux.
Des habitudes qui ne peuvent s’ancrer dans la durée qu’en collaboration avec les entreprises/employeurs, et/ou un encadrement réglementaire. Et qui impliquent par ailleurs, à la fois d’investir sur le déploiement de l’Internet haut débit, et de travailler sur la façon d’en limiter l’empreinte.
Côté entreprises, des obligations renforcées en termes de reporting extra-financiers, ainsi que des taxonomies plus alignées avec l’urgence climatique, devraient les inciter à poursuivre sur le bon chemin.
Car, si le tableau est sombre à l’échelle macro-économique, de nombreuses entreprises tentent néanmoins de négocier la reprise la plus vertueuse possible en adaptant leurs modes de production et de distribution. C’est qu’au-delà des incitations économiques ou contraintes réglementaires, il en va de leur pérennité.
Comment concilier décarbonation et plan de relance ? C’est le sujet dont débattront La Poste, Renault, Ecosia et Greenflex lors de la table-ronde « Plan de relance, décarbonation et climat : peut-on faire ménage à trois ? » le 16 septembre prochain sur le salon Produrable, dont Climatico est partenaire.