Le Pacte vert pourrait susciter des réajustements géopolitiques
Un gazoduc. Le Pacte vert va faire plonger les achats de gaz et de pétrole par l'UE
La mise en oeuvre de la révolution verte en Europe aura nécessairement des répercussions sur les relations internationales. Un enjeu que les 27 ne prennent pas encore en compte.
Alors que l’Union européenne affine ses ambitions climatiques, en vue d’une neutralité carbone à horizon 2050, des experts mettent en garde sur les répercussions géopolitiques que va engendrer cette révolution environnementale. Dans un contexte de réorientation de son mix énergétique, l’UE sera en effet amenée à réduire ses importations auprès de ses principaux fournisseurs de pétrole et de gaz naturel. Notamment la Russie, l’Algérie, les pays du Golfe, les Etats-Unis. Ce qui ne se fera pas sans heurts. C’est pourquoi le besoin d’une diplomatie conjointe le temps de la transition se fait sentir.
« Jusqu’en 2030, l’UE continuera d’importer du pétrole et du gaz de ses voisins ; la baisse de la demande ne sera vraiment significative qu’après 2030 », rappellent cinq experts de l’Institut Bruegel basé à Bruxelles. La décennie en cours doit, selon eux, être mise à profit par ces pays partenaires pour diversifier les économies. Y compris dans les renouvelables et l’hydrogène vert, que l’UE se verra sans doute obligée d’importer au vu de ses besoins croissants. « L’UE devrait soutenir de telles initiatives, notamment par le biais d’une approche plus forte et plus cohérente sur le climat et la finance », préconisent-ils.
27 matières premières dites « sensibles »
Du côté des importations, le Pacte vert devrait générer de nouvelles collaborations, voire des dépendances. Notamment à l’égard de fournisseurs de métaux essentiels à la fabrication de panneaux solaires, turbines d’éoliennes ou encore batteries. A ce titre, les terres rares, dont la Chine est l’essentielle pourvoyeuse, figurent dans la liste des 27 matières premières dites « sensibles » de l’UE. « L’Europe elle-même n’a pas de capacités importantes d’extraction et de transformation pour ces matières premières essentielles. Par exemple, elle ne produit qu’environ 3 % des matières premières globales requises dans les batteries lithium-ion et les piles à combustible », écrivent les mêmes auteurs. Au total, la Commission européenne s’attend à ce que la demande pour ces matières premières soit multipliée par deux d’ici à 2050. Une tendance qui invite d’ores et déjà les 27 à la mise en place de politiques de diversification de leurs sources d’approvisionnement, mais aussi au recyclage, à la substitution par d’autres matériaux et donc, à plus d’innovation.
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Risques de représailles en cas d’ajustement carbone
Parmi les réformes engagées par l’UE, le projet d’un ajustement carbone aux frontières – un prix du carbone sur les importations de certains biens issus de pays tiers moins ambitieux en matière climatique – constitue sans doute pour les grands partenaires du Vieux continent un des principaux sujets d’inquiétude. D’autant que l’Europe a fait un nouveau pas en faveur de ce projet, avec le soutien apporté par les députés européens à l’introduction d’un tel mécanisme compatible avec l’OMC. « C’est à cette condition que nous pourrons essayer de rester au plus près des 1,5°C de réchauffement, tout en incitant nos partenaires commerciaux à s’appliquer la même exigence, pour entrer sur le marché européen », a insisté le député écologiste Yannick Jadot : « Le Parlement montre la voie, nous attendons le même niveau d’ambition de la part de la Commission européenne et des États membres ».
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Des « clubs climat » sur le prix du carbone
Reste que la caution de l’OMC risque de ne pas suffire. Auquel cas, pour éviter les représailles de ses partenaires, l’UE a tout intérêt à mener à bien sa réforme en collaboration avec les Etats-Unis et la Chine notamment. Evoquée depuis des années – la première fois par l’économiste William Nordhaus en 2015 – l’idée de constituer des « clubs du climat » réunissant des pays qui appliqueraient une même contribution carbone, semble plus que jamais faire son chemin. Boris Johnson compterait mettre à profit la présidence britannique du G7 en juin pour inciter ce groupe de pays à s’engager dans ce type de mécanisme. « C’est effectivement sur la table », a assuré Pascal Lamy, président émérite de l’Institut Jacques Delors lors d’une conférence. « Et cela fait également partie du programme de Joe Biden, même si l’absence de marché carbone domestique constitue pour l’heure un frein à l’avancée des discussions ». Une telle approche coopérative aurait le mérite de promouvoir les avancées européennes au-delà du continent. Une nécessité, car l’Europe ne couvre aujourd’hui qu’environ 10% des émissions de gaz à effet de serre mondiales.
Article réalisé en partenariat avec la Fondation Heinrich Böll