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Les Verts allemands creusent l’écart avec les Français

Lors d'une marche our le climat dans le Pays de la Loire, autour de Matthieu Orphelin, le 9 mai. Photo Ecologie Ensemble


Alors que les Verts allemands caracolent dans les sondages, en vue des législatives de septembre, en France, les élus écologistes peinent à leur emboîter le pas.

Les 100.000 participants aux marches du climat de ce dimanche 9 mai le prouvent : les Français prennent de plus en plus conscience de l’urgence climatique et de la dégradation accélérée de la biodiversité. Et veulent une loi Climat et Résilience à la hauteur des enjeux. Pourtant, les pronostics pour les prochaines régionales, qui se tiennent les 20 et 27 juin, ne laissent, pour l’heure, guère augurer de nombreuses victoires pour les Verts. Selon le sondage OpinionWay, à un peu moins de deux mois du scrutin, le parti de droite Les Républicains arriverait en tête (24%), talonné par le Rassemblement National (22%). Europe Ecologie Les Verts (EELV) rassemble seulement 12% d’intentions de vote. Un pourcentage similaire à celui obtenu par les Verts lors des Européennes de 2019 et des municipales (13% environ). « Dans les préoccupations des Français, qui ne sont pas figées, on voit dès à présent une montée artificielle de la sécurité, qui arrive en tête devant l’emploi puis l’environnement », résume Daniel Boy, directeur de recherche au CEVIPOF. A ses yeux, cela montre que l’opposition entre la création d’emplois et l’écologie subsiste.

Des unions à gauche

Alors qu’aux régionales de 2004, écologistes et partis de gauche étaient séparés, certaines régions ont cette fois tenté des alliances. Mais elles restent peu nombreuses. Dans les Hauts-de-France, où la droite et l’extrême droite dominent, EELV mais aussi La France Insoumise (LFI), le Parti Socialiste (PS) et le Parti Communiste (PCF) sont parvenus à s’entendre dès le premier tour.

Lire aussi : L’environnement s’invite dans la campagne des régionales

Mais l’élan le plus tangible reste cependant dans les Pays de la Loire, où EELV et LFI ont été rejoints par quatre autres partis de gauche et centre gauche. «Il est vrai que dans notre région, les problématiques climat et environnement sont très fortes ; mais nous nous battons aussi sur l’emploi durable, une nouvelle politique industrielle basée sur les emplois locaux», précise Matthieu Orphelin, qui ne désespère pas de voir les Verts gagner ailleurs aussi : «En Ile-de-France, en Rhône-Alpes, et pourquoi pas en Bretagne où les deux listes écologistes peuvent déboucher sur des surprises ».
Dans les Pays de la Loire, l’alliance compte 33% de citoyens non encartés. Une configuration que l’on retrouve également en Centre-Val de Loire. Dans cette région, la liste « Un nouveau souffle », soutenue par neuf partis (gauche et verts), compte parmi ses membre 42% de personnes n’appartenant à aucun parti politique.

Polémiques en série

Si ces listes tentent de jouer la carte des territoires, au niveau national de nombreuses controverses les desservent en les coupant de l’opinion. « Il y a des maladresses », convient le chercheur Daniel Boy, faisant allusion aux polémiques du « sapin de Noël » ou encore du « Tour de France ». « Ce sont des références « populaires » chez les Français. Or, ce qui manque à l’écologie c’est justement d’être populaire. Ceux qui votent pour les Verts ne sont pas les ouvriers ni les employés, mais plutôt des personnes relativement aisées ayant souvent fait des études longues », ajoute-t-il. A son sens, ces méthodes ne font donc qu’alimenter le concept d' »écologie punitive », inventé par Ségolène Royal et repris à l’envi par la droite.
« Il y a certes eu des erreurs de communication », convient Charles Fournier, tête de liste EELV dans la région Centre-Val de Loire. Mais « elles sont tout de suite montées en épingle ». Et d’ajouter: « Nous sommes sur le devant de la scène depuis peu et devons apprendre. Et puis, les écologistes déjouent les règles établies, ce qui leur vaut des attaques extrêmement violentes». Un point sur lequel Matthieu Orphelin renchérit : « Nos opposants me tapent dessus en me caricaturant comme un « radical », « un décroissant », ce qui est vraiment mal connaître mon parcours. Cela montre qu’ils ne sont pas à l’aise. La preuve, ils essaient tous de venir sur nos thèmes », insiste-t-il.

Des « Grünen » en hausse

Reste que le fossé semble large avec les écologistes allemands qui, dans les sondages en amont des prochaines législatives, caracolent en tête. Une différence qui, selon certains experts, tient en partie à un certain pragmatisme. A l’égard de l’industrie par exemple. Gaël Brustier, politologue, pointe un « manque de professionnalisation » du côté français. « Les Fondations germaniques, elles, sont capables de bosser avec Airbus, au lieu de dénigrer les pilotes amateurs ».

Mais les différences tiennent aussi à des régimes politiques et des tactiques électorales très dissemblables. « Pour être au gouvernement d’un Land, les Verts allemands sont prêts, stratégiquement, à s’allier avec des Chrétiens Démocrates ou des élus SPD. Alors que pour les écologistes français, pactiser avec Macron est impensable », rappelle Daniel Boy. «  De surcroît, précise-t-il, les alliances à l’intérieur de la gauche sont compliquées pour les Verts français. On voit bien qu’au sein de LFI, Mélenchon les couvre régulièrement d’insultes ». Enfin, la France est un pays centralisé, contrairement à l’Allemagne qui compte un gouvernement dans chaque Länder. Or, Charles Fournier en est persuadé : « nous avons besoin de reprendre pied dans un ancrage local ».

Article réalisé en partenariat avec la Fondation Heinrich Böll