L’ouest de la France, pionnier de la rénovation massive
Grâce au programme européen de recherche et d’innovation Horizon 2020, GreenFlex accompagne le déploiement de l’approche EnergieSprong en France.
Les Pays de la Loire et la Bretagne vont déployer à grande échelle des réhabilitations de logements sociaux à zéro énergie garantie. Ce sont les pionniers en France de la démarche EnergieSprong.
A l’ouest, un marché inédit de rénovation de 2000 logements a entamé ce 11 février sa phase opérationnelle. A la demande de quatorze bailleurs sociaux répartis sur le territoire, un dialogue compétitif s’est ouvert avec plusieurs entreprises. L’objectif : sélectionner les meilleures solutions techniques pour permettre des réhabilitations à zéro énergie. Autrement dit, à l’issue desquelles les bâtiments ne consomment pas plus qu’ils ne produisent.
Une première en France, qui s’inscrit dans la démarche nationale EnergieSprong, pilotée par Greenflex. Elle propose d’industrialiser les rénovations ambitieuses, afin d’en baisser les coûts grâce à un effet volume. Et ainsi, pouvoir atteindre le niveau B en moyenne, pour l’ensemble du parc bâti de l’Hexagone, d’ici à 2050. « Il faut bousculer le secteur de la construction, qui est aujourd’hui sous digitalisé et sous-industrialisé », fait valoir Sébastien Delpont, directeur de l’équipe en France.
Un vent hollandais
Pour son application à grande échelle, la stratégie est coordonnée par l’Union Sociale de l’Habitat en Pays de la Loire. « Une grande partie de notre parc reste en classe E, F ou G. Jusqu’ici, on a mené des réhabilitations peu complexes, assez coûteuses et pas forcément très performantes », avance Axel David, son directeur. « Nous devions trouver des moyens pour changer de niveau et raisonner sur la globalité. »
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L’inspiration vient finalement des Pays-Bas. « Les Hollandais ont lancé, il y a des années, une stratégie de réhabilitation massifiée de leur parc. Cela a très bien fonctionné, et leur a permis de sortir de la logique du nouveau prototype à chaque fois », développe Axel David. En reproduisant les projets de manière systématique, EnergieSprong leur a permis d’obtenir de très hautes performances énergétiques à moindre coût. Les critères sont pourtant extrêmement exigeants : la somme des consommations doit être nulle.
Des prix encore élevés
Mais comment parvenir à un tel objectif en France ? Après une étude de faisabilité sur les solutions techniques et le modèle économique, quatorze bailleurs sociaux, sur les trente-cinq présents dans l’ouest de la France, se sont alignés sur ce nouveau standard de rénovation. « Le comité EnergieSprong France a analysé tout notre patrimoine classé E-F-G, et indiqué où il était possible de lancer la démarche », explique-t-on à Saumur Habitat, l’un des maîtres d’ouvrage volontaires.
De quoi contourner l’obstacle financier ? « A l’heure actuelle, lors d’une réhabilitation, on essaie toujours d’atteindre la classe C. Au-delà, c’est trop cher. » Saumur Habitat mise sur l’alliance entre bailleurs régionaux pour générer d’importantes économies d’échelle. En attendant, l’USH et la Banque des territoires ont signé une convention pour déployer cette dynamique onéreuse. « Les coûts d’opérations restent sans commune mesure avec ce qu’on fait d’habitude », précise André Dutoit, directeur patrimoine de Saumur Habitat. Une première étape inévitable, avant la massification espérée. « C’est seulement lorsque l’on aura engagé des centaines, voire des milliers de logements, que les prix vont baisser », assure Sébastien Delpont.
Marchés de performance sur 30 ans
Pour s’organiser, les bailleurs se sont regroupés dans une centrale d’achat. L’USH leur a demandé de rédiger un seul et même cahier des charges, de manière à lancer un appel d’offres commun à des entreprises de rénovation. « On a tenté de l’uniformiser au maximum, pour atteindre un groupement de commande très cohérent » explique-t-on à Saumur Habitat.
Le but : inciter les entreprises à formuler les meilleures propositions techniques. « On sait que les solutions qui vont être approuvées sont déjà connues, c’est leur combinaison qui ne l’est pas. De plus, les répondants ont intérêt à ce que la qualité du matériel soit meilleure, puisque c’est eux qui devront garantir l’entretien et la maintenance sur trente ans », précise Axel David.
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De l’huile dans les rouages
Mais la partie n’est pas gagnée. Les expérimentations qui ont déjà eu lieu à petite échelle n’ont, par définition, pas encore permis de créer une industrie et d’entraîner un effet volume. « C’est tout l’intérêt de la démarche dans l’ouest de la France. Il faut voir ce que la massification va donner, à quel point elle va pouvoir créer des filières spécifiques et entraîner un écosystème d’entreprises qui innove dans cette direction », avance-t-on chez Saumur Habitat.
Ce nouveau mode de fonctionnement a suscité des débats houleux entre les quatorze bailleurs. « Ils ont dû abandonner l’aspect technique. Ne pas dire aux entreprises ce qu’ils veulent comme type de revêtement, d’isolant, ou encore comme pompe à chaleur. Quand on demande à des responsables de maîtrise d’ouvrage de ne pas choisir le contenu précis de travaux en amont, c’est forcément compliqué. On a tous dû faire un pas de côté dans nos manières de concevoir les choses », explique Axel David.
Alors pour « mettre l’huile dans les rouages » et contribuer à faire changer les pratiques, GreenFlex poursuit son rôle d’intermédiation. « Quand on aura les contrats types, et que les façons de faire seront alignées, ça roulera tout seul, et nous pourrons nous retirer », assure Sébastien Delpont.
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