Comment concilier numérique et transition énergétique
De l’hydrogène vert à l’informatique quantique, des collaborations sont possibles entre la France et l’Allemagne selon des députés des deux côtés du Rhin.
Qualifié d’essentiel pour accélérer la transition écologique, mais non sans impacts sur l’environnement, le numérique occupe désormais tous les esprits. En Allemagne, par exemple, la perspective d’une sortie du charbon à l’horizon 2038 a d’ores et déjà stimulé l’innovation technologique. « Dans mon Land du Bade Wurtemberg, confirme le député Danyal Bayaz (Alliance 90/ Les Verts) en charge de ces questions, ont émergé toute une série de start-up dans le domaine de l’éolien, du solaire, pour accélérer cette sortie du charbon ». « Même un groupe chimique comme BASF, qui utilise de l’énergie intensive en CO2, veut désormais investir dans l’éolien », ajoute-t-il. Selon lui, cependant ces innovations ne peuvent en aucun cas servir de prétexte pour Berlin à un retour en arrière vers le nucléaire. Contrairement à la France, où l’avenir du mix énergétique reste plus débattu, outre-Rhin, le consensus semble acquis à ce sujet.
Hydrogène vert et marché du CO2
Cette stratégie exige d’aller plus loin encore dans l’innovation pour combler les besoins futurs. « Il y a encore trop de subventions pour les énergies traditionnelles », ajoute Danyal Bayaz, insistant sur la nécessité de soutenir davantage la R&D dans le domaine des batteries. Non seulement pour l’électro-mobilité, mais aussi pour produire de l’hydrogène vert. Un secteur émergent, qui peut offrir une base de collaboration avec la France, estime l’élu. De même, si le couple franco-allemand est « synchrone » pour faire émerger un prix du CO2 ambitieux, de bons signaux pourraient être envoyés au marché. « L’Allemagne va être mise au défi de fabriquer de l’acier le plus neutre possible en carbone. Un sidérurgiste comme ThyssenKrup par exemple va devoir investir des milliards pour se transformer. Il n’y parviendra pas seul, surtout si son acier propre est concurrencé par la Chine. Une collaboration franco-allemande à ce titre peut contribuer dans un premier temps à maintenir à flot cette branche puis d’autres, notamment dans la chimie », suggère-t-il.
Renouer avec une écologie de l’espoir
« Il faut créer de nouvelles technologies pour faire avancer la recherche mais il est tout aussi nécessaire de mobiliser les imaginaires », insiste de son côté la député française Paula Forteza, qui cite comme exemple le projet du « Nouveau Bauhaus Européen » . Ce dernier veut allier au monde de la science et de la technologie « des compétences différentes en terme d’art et de culture, mais aussi un nouvel urbanisme et de nouveaux services». Un exemple qui pourrait être dupliqué en vue de « renouer avec une écologie pleine d’espoir » plus proche des citoyens, selon l’élue française. Dans le domaine de l’urbanisme, nombre de programmes mobilisent déjà les données pour améliorer la mobilité, la protection contre les pollutions sonores, l’extension de voies cyclables. «Mais à ce niveau, l’intelligence artificielle ne suffit pas, renchérit le député allemand ; il faut aussi une innovation culturelle et sociale pour accepter les changements de paradigme et modifier les comportements ».
Numérique, le revers de la médaille
Reste qu’à lui seul le numérique pourrait d’ores et déjà représenter 4% des émissions mondiales de gaz à effet de serre. Or son usage explose et l’arrivée de la 5G risque d’aggraver plus encore la situation. « La Convention citoyenne avait fait deux propositions alliant numérique et environnement mais malheureusement celles-ci n’ont pas été reprises dans le texte de la loi climat », regrette Paula Forteza, jugeant un travail d’amendements désormais nécessaire au sein de l’hémicycle. Parmi ces propositions, l’une portait sur le télétravail, avec pour objectif de permettre aux salariés qui le souhaitent de travailler depuis leur domicile au moins deux jours par semaine. De quoi limiter les impacts liés aux déplacements. L’autre visait à intégrer la sobriété numérique grâce notamment à la limitation de fabrication de terminaux, l’utilisation de pièces d’occasion pour les réparer ou encore l’étude de l’impact de la 5G.
Informatique quantique
« Sur la sobriété numérique, le gouvernement a tendance à dire aux citoyens de classer ses mails et de moins regarder Netflix, mais les enjeux dont on parle sont industriels et impliquent des évolutions dans les modèles d’affaires, et non pas des interdictions constantes imposées aux citoyens », explique Paula Forteza. Des avancées qui doivent tenir compte de la souveraineté européenne, conviennent les deux élus, au diapason sur la nécessité pour le Vieux continent de pousser ses propres acteurs face à la Chine et aux géants américains. Là encore, des collaborations sont possibles, y compris dans le domaine de l’informatique quantique, auquel Emmanuel Macron vient d’allouer 1,8 milliards d’euros. Les applications seront multiples, y compris dans la modélisation climatique.
Article réalisé en partenariat avec la Fondation Heinrich Böll