Eric Piolle : « L’action climatique exige des mesures concrètes »
Maire de Grenoble depuis 2014, l’élu EELV Eric Piolle défend une approche concrète de l’action environnementale. Qui passe par l’alimentation, la qualité de l’air et la démocratie participative.
Alors que la loi climat est examinée à l’Assemblée nationale, quel regard portez-vous sur cet épisode de la politique française ? Pourquoi l’action climat ne fait-elle pas plus consensus ?
Parce que le sujet bouscule un système établi. La prise de conscience progresse. Les scientifiques ont été les premiers à sonner l’alarme, la société civile a embrayé. Mais parmi les élus, on constate que la prise de conscience est très lente. Parce que pour nombre d’entre eux, le but, c’est de changer sans que rien ne change. Or l’action sur le climat demande de vraies actions concrètes ! Les élections municipales de 2020 ont montré que les forces pouvaient évoluer. En 2014, j’étais le seul maire Vert d’une ville de plus de 100.000 habitants ; en 2020 il y a en a eu beaucoup. On va voir ce que cela donnera pour les élections régionales. Et pour les présidentielles, ce sera un sujet important. Quand on est néo-libéral comme Emmanuel Macron, et qu’on n’a jamais porté le sujet climat dans sa campagne, le thème n’est pas ancré, il reste superficiel.
Pour les élections régionales, la question de l’environnement n’est-elle pas celle qui peut fédérer la gauche, avec des alliances comme dans les Hauts-de- France ?
C’est un axe logique. En Rhône-Alpes, on propose une alliance derrières les écologistes qui sont la première force de gauche. Les plus grandes villes sont aux Verts, avec Lyon, Grenoble, Annecy… on ne peut pas faire comme si cela n’existait pas ! Si les socialistes envoient une ancienne ministre qui n’a pas cette culture sur l’environnement, ça ne fonctionne pas. Najat Vallaud-Belkacem a travaillé avec Bernard Collomb, elle ne porte pas les mêmes priorités que nous.
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Vous avez mis le climat en tête des priorités de la gestion de votre ville. Comment fait-on pour embarquer les citoyens dans la transition, est-ce plus simple à l’échelle locale ?
Pour porter la question environnementale, il faut proposer un projet de société positif, fédérer autour d’un cercle de valeurs suffisamment large. Au niveau local, ce n’est pas forcément plus simple. Mais ça passe par des actions concrètes. C’est ce qu’on fait à Grenoble. Nous nous appuyons beaucoup sur les budgets participatifs, les citoyens soutiennent les choix qui sont faits. Nous avons aussi ouvert les chantiers que nous menons au public. C’est très apprécié, il y a un réel intérêt des citoyens pour ce qui se passe autour d’eux : l’espace public, comment il s’organise, etc.
Sur l’alimentation, il y a eu un débat clivant à Lyon au sujet de la viande à la cantine ; est-ce qu’une partie de la population résiste à la transition ?
Je constate au contraire que l’alimentation est un très bon vecteur du sujet environnemental ! A Grenoble, on est en train de passer à 100 % d’alimentation bio dans les crèches, et on est déjà à deux repas végétariens par semaine dans la restauration collective. C’est très bien accueilli. Nous dépassons déjà les contraintes règlementaires de la loi Egalim, c’est la loi qui ne va pas assez loin sur le végétarisme. Ce qui s’est passé à Lyon, c’est une polémique politicienne, d’un autre temps, entre ministres. Dans la réalité, il n’y a pas de sujet.
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L’alimentation représente-t-elle un élément important de votre politique locale ?
Certainement, et nous voulons aller encore plus loin. Ce qui nécessite des investissements sur notre cuisine centrale, mais aussi la mise en place d’une filière de viande locale. Nous avons développé l’alimentation urbaine dans la ville, ainsi qu’une ferme urbaine. On a aussi été une des premières métropoles à lancer la collecte de déchets alimentaires. Et puis nous avons planté un verger par secteur. Tout ça donne du sens : les citoyens le voient dans leur quotidien.
Grenoble a été nommée capitale verte européenne pour 2022, alors que c’était votre première candidature. Comment vous-y êtes-vous pris ?
On a lancé le projet tôt, dès janvier 2019, en s’inspirant de la ville de Essen en Allemagne, avec laquelle nous sommes jumelés. Très vite, on a associé la société civile, le monde économique, et créé un conseil scientifique avec 37 chercheurs transdisciplinaires. Pour répondre aux 12 catégories examinées dans le dossier, nous avions aussi des atouts grâce à ce qui avait été engagé depuis 2014 : sur la pollution de l’air, sur la zone à faible émissions ou sur l’objectif de 100 % d’énergies renouvelables hors nucléaire, qui sera atteint par Grenoble en 2022. Cette candidature, c’est une fierté collective qui nous permettra d’être associés à la présidence du Conseil de l’Union européenne qui revient à la France au premier semestre 2022. Nous avons déjà eu une réunion à l’Elysée à ce sujet.
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A Grenoble comme ailleurs se pose la question de l’attractivité. Est -ce que la question du récit, ce qu’on raconte du futur de la ville, est un sujet qui préoccupe les citoyens ?
L’attractivité n’est pas un but en soi : pourquoi être attractif ? Pour grossir ? Ce n’est pas notre but. En revanche, en tant que leader, je pense qu’il faut unifier derrière un cap collectif. Nous voulons améliorer les conditions de vie de la population, et contribuer au défi que pose la planète aujourd’hui. Et à Grenoble, on passe par du concret pour faire cela. Par des projets qui concernent la vie de tous les jours, autour de la mobilité ou de la réhabilitation des locaux. On tente d’imaginer autre chose. Lors de la biennale des Villes en transition il y a deux ans, l’atelier de Pablo Servigne avait fait du bruit. On réitère la manifestation cette année, début avril.
Sur les sujets environnementaux, la Métropole de Grenoble est aussi à la pointe, et lance une convention citoyenne sur le climat. Est-ce que ça veut dire que le sujet climat est devenu incontournable localement ?
Le vice-président qui lance cette convention appartient à mon équipe. On a travaillé ensemble avec la Métropole sur ce sujet crucial. Au sein de la ville de Grenoble, on va conduire d’autres actions, des ateliers par secteur et par thématique. On sait que lorsqu’on donne aux citoyens des informations sur le sujet climat, ils s’en saisissent sérieusement, comme l’a démontré la Convention citoyenne au niveau national. L’objectif d’un tel processus est bien de rehausser l’ambition ; mais il faut ensuite l’assumer politiquement.