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Hélène Peskine : « Les nouveux maires interrogent l’étalement urbain »

18 janvier 2021

Hélène Peskine est secrétaire permanente du Plan urbanisme construction architecture (Puca), qui ausculte notamment une quinzaine de métropoles françaises. Elle plaide pour accorder plus de confiance aux territoires.

Entre les municipales et la crise sanitaire, les territoires traversent une étape délicate. Est-ce une période propice aux transitions ?

C’est une période très propice aux transitions ! Au Puca, nous plaçons des observateurs dans les métropoles. On a traversé les municipales avec un sentiment d’incompréhension entre citoyens et élus, et beaucoup d’élus ont été sortis au profit d’une nouvelle génération et de candidats Verts. Le mouvement des Gilets Jaunes a été très compliqué pour de nombreuses métropoles. Il a révélé un sentiment d’opposition entre le centre et le périurbain, mais aussi une crainte de la mondialisation.

Les élus de 2020 en ont conscience et veulent trouver des réponses. Ils s’impliquent beaucoup sur des sujets nouveaux : comment mettre en place des plan alimentaires territoriaux, comme à Nantes. On voit aussi, à Montpellier et Nice une volonté s’ancrer dans le territoire ; à Grenoble, la ville se tourne vers la montagne.

En quoi l’action locale est-elle aujourd’hui plus nécessaire qu’auparavant ?

La crise sanitaire a montré un besoin. La distribution de masques a été faite par les mairies et les départements. Maintenant, certains territoires souhaitent prendre en main la vaccination.  Il y a une forte motivation locale, qui s’avère assez légitime. Par exemple, Orléans, qui manque de soignants, organise des maisons médicales autour de l’agglomération pour développer l’offre. Ce n’est pas le rôle dévolu aux municipalités, mais on observe de plus en plus que les territoires sont un échelon parfait pour identifier un besoin et y répondre. Ce qui serait cohérent, ce serait de leur donner plus de liberté pour le faire !

Justement, le programme législatif chargé de cette année 2021 prévoit une nouvelle loi de décentralisation. Est-ce que ce sera l’occasion de revoir les rôles de chacun ?

D’après ce que j’ai compris, il s’agit de nouveau de répartir des compétences. Or, ce qu’il faudrait, c’est accorder de l’autonomie. Par exemple, en matière de littoral, laisser les maires prendre les décisions sur ce qui est construit ou non, plutôt que de statuer à distance, au mètre près. C’est aussi en faisant confiance qu’on peut éviter les dérives.

Les principales métropoles françaises se sont développées sans le souhaiter. Est-ce que leur taille est un atout aujourd’hui ?

Le développement des métropoles est parfois subi. Notamment ses effets sur le logement. L’attractivité d’une ville peut entraîner de vives réactions. A Bordeaux par exemple, la flambée des prix en parallèle à l’arrivée du TGV a suscité des critiques, et généré des offres de logement pas nécessairement adaptées. Mais la formation des métropoles peut aussi être un atout, un levier pour le développement de la région : c’est ce sur quoi nous travaillons.

Le développement économique et le logement ne sont donc plus les priorités des métropoles ?

La dernière loi de décentralisation a seulement 5 ans. A l’époque, la métropole était perçue comme un moteur économique. On lui demandait des coopérations, avec les contrats de réciprocité métropolitains, les opérations de construction… Mais désormais, le « care » a pris beaucoup de place. Certaines métropoles distribuent les vaccins. Et on n’est plus très sûrs que les métropoles souhaitent ou assurent leurs fonctions de développement. Notamment parce que les citoyens remettent en cause les infrastructures .

La question du logement reste un sujet sensible, avec un manque d’offre chronique dans les métropoles. Comment l’intégrer aux problématiques environnementales ?

Si on annule les grands projets de construction, comment les métropoles peuvent-elles rester des territoires d’accueil ? J’ai été favorablement impressionnée par la montée en puissance des problématiques liées à l’artificialisation des sols et la biodiversité ; et les interrogations qui se posent sur les infrastructures en général. Je mesure la difficulté pour les territoires de répondre à ces injonctions contradictoires : proposer des logements et des infrastructures adaptés à la croissance des métropoles est tout aussi impératif que de protéger la nature. C’est la question ouverte des cinq prochaines années.

Comment les métropoles peuvent-elle se reconnecter à leur environnement pour éviter les oppositions ?

On observe des expériences intéressantes. Par exemple, la ville de Montpellier a entrepris une réflexion sur les pressions que subit le cordon littoral en cas de montée des eaux, avec les villes voisines de Sète et Marseillan. Montpellier a bien conscience que les problématiques des riverains face à la montée des eaux seront aussi les siennes, parce qu’il y aura un effet de repli. Se concentrer sur ce type de défi en sortant du modèle de projet immobilier urbain et dense, c’est une innovation intéressante de ré-ancrage territorial. Qui renvoie souvent à l’identité locale.

Vous constatez les limites d’une urbanisation rapide et dense ?

On a plusieurs exemples. Les logements de l’Ile de Nantes ou des Bassins à flot à Bordeaux, initialement conçus pour des nouveaux arrivants, ont tendance à être délaissés. Les nouveaux arrivants optent pour des maisons un peu plus dans la campagne. Le modèle de la maison individuelle offre une qualité de vie à laquelle les Français aspirent. Certes, il pose d’autres questions environnementales. La réponse est peut-être intermédiaire : entre les grands ensemble urbains et denses et les maisons individuelles, les petits ensembles avec espaces verts proposent une alternative intéressante.

L’arrivée de nouveaux maires a-t-elle interrompu de grands projets ?

Les programmes sur lesquels les élus 2020 sont arrivés au pouvoir évoquent souvent la décroissance et la fin des grands projets. Il y a des moratoires sur les opérations lancées par les prédécesseurs, là où les nouveaux maires sont Verts, comme à Strasbourg, Bordeaux et Lyon. Mais pas Marseille, où l’urgence est de loger des gens. Parfois, ce sont des maires réélus qui interrogent l’étalement urbain, comme Jean-Luc Moudenc à Toulouse.

*La plateforme Popsu organise les 21 et 22 janvier à l’Assemblée nationale un débat sur les complémentarités entre métropoles et territoires.