L’UE se repose sur les puits de carbone pour faire baisser ses émissions
La Suède fait partie des pays qui ont insisté sur le poids de la forêt dans l'objectif climat européen
L’objectif 2030 que l’UE vient d’adopter est biaisé par l’intégration du rôle des sols et forêts pour absorber le CO2. Une solution très aléatoire selon les scientifiques.
L’UE n’est pas arrivée les mains vides au sommet mondial des dirigeants sur le climat, organisé la semaine dernière par le président américain Joe Biden. La veille, le 21 avril, les négociateurs du Parlement européen et du Conseil et de la Commission européenne étaient parvenus à un accord sur la loi climat. Avec un objectif cette fois acté : atteindre la neutralité climatique à l’horizon 2050, via une réduction de ses émissions de gaz à effet de serre de 55% en 2030 par rapport à 1990. A cet horizon, les rejets de CO2 européens qui comptent pour 15% des émissions mondiales, devraient donc être ramenés en deçà de 10%.
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Un objectif réel de 52,8%
Un accord dont la principale négociatrice au Parlement, l’eurodéputée suédoise Jytte Guteland, s’est félicitée. Elle a néanmoins regretté que l’UE n’ait pas réussi à « aller encore plus loin ». Si l’on s’en tient à la recommandation des scientifiques, celle-ci aurait dû – pour se maintenir en deçà des 1,5 degrés – viser une réduction de l’ordre de 65% . Sans compter que le chiffre de 55% fait débat. Nombre d’ONG et d’écologistes déplorent le fait que cet objectif intègre l’absorption du CO2 par des puits de carbone naturels ce qui, d’emblée, le rend moins ambitieux. En effet, sans le recours aux forêts et aux sols, la cible réelle est ramenée à 52,8%. Cette option ne serait toutefois pas sans risque. En se basant sur ces puits, des secteurs tels que l’énergie, l’industrie, et les transports, pourraient se sentir moins contraints de faire des efforts pour capter le carbone à la source. Et la fonction d’absorption de CO2 par la végétation est aléatoire. Les arbres peuvent d’ailleurs partir en fumée dans des incendies comme ceux qui se sont déclarés en Californie ou en Australie.
Plus de compensation carbone
« En soi, cet objectif n’est cependant pas nouveau. Il vient confirmer ce que les chefs d’état et de gouvernement avaient déjà décidé en décembre dernier : une réduction de 52,8% des émissions de gaz à effet de serre et 2,2 % de retraits permis grâce aux puits de carbone », rappelle Wendel Trio, directeur de Climate Action Network Europe. Ce qu’il l’est plus en revanche, selon lui, c’est le fait que la Commission envisage de nouvelles sources de compensation de ce type. Alors que ces 2,2% correspondent à l’absorption de 225 millions de tonnes équivalent CO2, la Commission envisage désormais de porter cette proportion à hauteur de 300 millions de tonnes en 2030. « Pour l’heure, nous ne savons pas si ces 300 millions de tonnes sont de l’ordre de l’ambition ou s’ils vont bel et bien être intégrés à la loi qui sera proposée en juin », ajoute Wendel Trio.
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« Il va falloir patienter encore d’ici là pour connaître le détail des baisses d’émissions, quelle proportion se fera au travers du marché carbone européen (ETS), quelle proportion en dehors de celui-ci et quelle part sera liée aux puits de carbone ».
Le paquet « Fit for 55 »
A cette échéance, en effet, la Commission européenne publiera le paquet « Fit for 55 » relatif à la mise en œuvre de ces objectifs climatiques. Il comprendra notamment des propositions législatives sur l’efficacité énergétique, l’échange de droits d’émission et la taxation de l’énergie. « Nous avons besoin d’une restructuration complète de notre économie et d’objectifs à la hauteur de l’urgence, de trajectoires suggérées par les scientifiques et de nos engagements internationaux », a insisté Marie Toussaint, membre de la Commission de l’environnement, regrettant elle aussi un manque d’ambition, « La Commission devra intensifier ses efforts lorsqu’elle publiera son paquet . Tout n’est pas perdu ».
Article réalisé en partenariat avec la Fondation Heinrich Böll