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Des villes pilotes s’attaquent à l’étalement urbain

Proches du centre-ville d'Epernay, les ateliers SNCF font l'objet d'un projet de réhabilitation.

Sept territoires vont bénéficier d’une expérimentation grandeur nature, pour lutter concrètement contre l’artificialisation des sols.

De Dreux à Sète en passant par Poitiers, les constructions urbaines continuent de grignoter des terres en périphérie. A contresens de l’objectif de zéro artificialisation nette en 2050. Pour y remédier, sept villes et leur agglomération ont été sélectionnées par l’Etat en tant que « pilotes de sobriété foncière ». Pendant trois à cinq ans, elles seront accompagnées pour identifier le potentiel du tissu urbain existant, et réaliser des projets à court terme. 

Piloté par Action Coeur de Ville (ACV), qui alloue déjà cinq milliards d’euros sur cinq ans à 222 communes pour revitaliser leur centre, l’objectif du programme sera « d’aller plus loin », explique Rollon Mouchel-Blaisot, son directeur à l’Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT). « Nous avons lancé un appel à manifestation d’intérêt en automne. Nous cherchions des sites pour essayer de pousser, de façon opérationnelle, l’émergence rapide de solutions », avance-t-il. Confrontés à des problématiques urbaines variées, vingt-cinq territoires se sont portés volontaires, parmi lesquels sept lauréats ont été retenus. 

Réveiller le foncier endormi 

C’est le cas de Dreux (Centre-Val de Loire), où les élus souhaitent se poser en précurseurs. « Le législateur contraindra tôt ou tard la construction sur des terres agricoles. Nous devons nous y préparer, et parvenir à nous développer sans que l’enveloppe urbaine ne grossisse », affirme Emilie Neveu, directrice adjointe du pôle développement économique de l’agglomération. Pour l’heure, elle ignore quelles solutions techniques devront être mises en oeuvre. « On ne sait pas encore où on va. Le PUCA (Plan Urbanisme Construction Architecture), organisme dédié aux questions de recherche et d’expérimentation en matière d’aménagement et d’urbanisme, nous accompagnera pour essayer de pousser des projets innovants. » 

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Alors que Dreux s’interroge plutôt sur le retour sur site d’activités économiques, un autre lauréat, Poitiers (Vienne), se concentre sur l’enjeu des vacances d’habitats dans le centre. « Beaucoup de logements restent vides, parce qu’ils se trouvent au-dessus des commerces, sans accès indépendant. Ou, plus rarement, parce qu’ils sont dégradés », explique Lisa Belluco, vice-présidente en charge de l’urbanisme. Des opérateurs de l’Etat se chargeront de les aider à identifier ce « foncier invisible », afin de le réveiller. 

Croître, sans s’étaler 

Parmi les sites à fort potentiel figurent, à Epernay (Marne), d’anciens ateliers SNCF qui s’étendent sur près de 13 hectares. « C’est presque autant que la superficie du centre historique, qui lui est jouxté », développe Joachim Verdier, adjoint au maire à l’urbanisme, au patrimoine et au cadre de vie. Emblématique de l’essor industriel de la ville, ce site représente aujourd’hui une mine inexploitée. Devenu un atelier secondaire de maintenance des TER, il abrite dix-sept bâtiments classés historiques qui y ont été abandonnés. « Notre but, c’est de les réhabiliter pour constituer un éco-quartier. La friche a déjà été rachetée à la SNCF, et nous avons lancé un concours pour imaginer une liaison entre ce quartier et le centre ». L’accompagnement technique et économique de l’Etat représente une aubaine pour mener le projet à bien. 

Confrontés à « une population vieillissante » et à « peu de renouvellement », les élus d’Epernay s’inscrivent ainsi dans une volonté de développement. « Nous voulons montrer que nous pouvons lutter contre la chute démographique sans nous étaler », affirme Joachim Verdier. « L’accompagnement des territoires pilotes vise à soutenir leur attractivité, pas à ne plus rien faire pour éviter l’artificialisation. La démarche repose sur le principe de la sobriété foncière, mais elle n’en est pas moins une stratégie de croissance », abonde Rollon Mouchel-Blaisot. 

Le fantasme du lotissement

Cette reconstruction de la ville sur la ville exige des moyens ambitieux. « Nous les aiderons en mobilisant le financement du programme Action Coeur de Ville, mais aussi le fonds friche du plan de relance, par exemple », précise Rollon Mouchel-Blaisot. Une assistance à maîtrise d’ouvrage nationale, subventionnée par l’ANCT, épaulera les collectivités sur les aspects techniques. Elle travaillera sur les sites pilotes sélectionnés, pour « passer de la phase d’analyse à la phase opérationnelle d’ici à un an ». « Cette aide est primordiale. Réhabiliter une friche industrielle représente un enjeu de taille pour une ville moyenne. Sans le portage financier et technique de l’Etat, nous pourrions difficilement mener de tels projets », fait valoir Joachim Verdier. 

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Car les freins sont nombreux. « Nous essayons de lutter contre ce mythe de la maison individuelle en lotissement, qui grignote notre territoire péri-urbain et demande des kilomètres d’infrastructures, mais cela prend du temps », explique l’adjoint au maire à l’urbanisme d’Epernay. Une problématique familière aux élus de Poitiers, qui héritent d’une politique d’attractivité synonyme de nombreux projets en périphérie. Une zone d’activité de 200 hectares, construite sur des zones agricoles, est ainsi en cours de commercialisation.

« On ne passe pas du tout au rien du jour au lendemain », tempère Emilie Neveu. « Cela freinerait le développement, dans le contexte d’un déclin des villes moyennes et d’un taux de chômage important. » Pour la directrice adjointe de l’agglomération du pays de Dreux, il faudra que le législateur passe par des contraintes fortes pour que les collectivités évoluent vraiment.

A Sète, autre lauréat, le cadre réglementaire tend au contraire à freiner la réhabilitation de friches. En cause : des risques naturels de submersion marine, ou les contraintes liées à la loi littorale. « Dans tous les cas, nous avons besoin de travailler main dans la main avec l’Etat pour trouver des ouvertures », avance Loïc Linares, vice-président à Sète Agglopôle Méditerranée. 

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