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Les friches entament une nouvelle nouvelle vie

Sur le site de l'ancien hôpital parisien Saint-Vincent de Paul, le projet temporaire des Grands-Voisins a influencé le projet pérenne.

L’Etat s’intéresse depuis peu au devenir des friches, dont l’origine et la destination évoluent au fil du temps, grâce notamment à l’urbanisme de transition.

Pression sur le foncier et manque de logements criant d’un côté, nouveaux espaces en déshérence de l’autre…Dans un contexte de « zéro artificialisation nette » ou ZAN, et avec l’objectif de diviser par deux le rythme d’apparition de nouvelles friches, l’Etat et le gouvernement multiplient les signes d’intérêt pour les friches.

Du lancement par Emmanuelle Wargon en juin 2019 d’un groupe de travail dédié à la réhabilitation des friches à la publication d’un rapport d’information parlementaire en janvier 2021, en passant par le fonds de 300 millions d’euros annoncé en septembre 2020 qui leur est consacré dans le cadre du plan de relance…les preuves de cette récente attention ne manquent pas.

Sans oublier l’outil Cartofriches lancé par le Cerema en juillet 2020, et destiné à dresser la carte des lieux concernés. Ce qui est d’autant moins aisé à faire aujourd’hui, qu’il n’existe aucune définition précise de ce qu’est une friche. Un flou qui permet au Ministère de la Transition écologique d’évaluer leur nombre à quelque 2.400, quand d’autres sources en évoquent plutôt 10.000, correspondant à une surface comprise entre 90.000 et …150.000 hectares.

Le LIFTI, laboratoire d’initiatives foncières et territoriales innovantes fondé en 2016 par Marc Kaszynski, ancien président de l’Etablissement foncier du Nord-Pas-de-Calais, a mandaté la Junior Entreprise de l’Ecole centrale de Lille pour établir un « inventaire des inventaires » des friches, et obtenir un meilleur état des connaissances.

Services publics et centres commerciaux

Ce qui est certain en revanche, c’est qu’on assiste à une diversification des nouvelles friches, aussi bien dans leur nature que dans leur géographie. « Naguère essentiellement industrielles et concentrées dans les régions frappées par la désindustrialisation telles que les mines du Nord ou les hauts-fourneaux lorrains, elles concernent désormais de nombreuses villes de taille moyenne », observe Marc Kaszynski. Sites SNCF désaffectés, hôpitaux, terrains de l’armée…autant de lieux accueillant autrefois des services publics et aujourd’hui laissés à l’abandon. « Sans compter les petits centres commerciaux et autres entrepôts menacés par l’essor du e-commerce, ajoute Marc Kaszynski. Une évolution qui, à l’inverse, créee de nouveaux besoins en périphérie des villes, notamment pour la logistique du dernier kilomètre. »

Autre évolution : la destination de ces nouvelles friches. Longtemps, les réhabilitations n’ont concerné que les sites susceptibles d’intéresser des projets immobiliers à forte rentabilité, donc capables d’absorber le coût de leur dépollution. Autrement dit, des friches situées en zones soumises à forte pression foncière.

Le ZAN à l’échelle des collectivités

Il en va désormais autrement. Des sites sans intérêt pour les promoteurs peuvent trouver leur utilité aux yeux des collectivités. Par exemple, via la revégétalisation, pour l’agrément ou pour lutter contre l’effet d’îlot de chaleur urbain. Des entreprises commencent également à s’y intéresser dans le cadre de l’obligation qui leur est faite de compenser leur emprise sur certains territoires, notamment pour la construction d’infrastructures.

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« La problématique ZAN retombe sur les collectivités, mais pour qu’elles s’emparent du sujet, encore faut-il qu’elles se l’approprient », souligne Marc Kaszynski. Ce qui implique d’éviter les démarches exclusivement top/down. Et de remobiliser des financements publics aux échelles européenne, nationale et régionale, ainsi que des ressources propres basées sur la fiscalité, pour leur donner les moyens d’agir.

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Car elles doivent se doter de compétences en ingénierie et de capacités à élaborer leur propre stratégie foncière. « Sans cette mobilisation sur le terrain, les projets ne sortiront pas », met en garde Marc Kaszynski, qui déplore « un manque de stratégie et de vision d’ensemble à l’échelle nationale, qui permettrait de comprendre pourquoi on accepte d’investir des deniers publics en l’absence de retour sur investissement. »

Urbanisme de transition, tactique et circulaire

L’urbanisme de transition est l’une des voies de réhabilitation des friches qui a le vent en poupe. A ne pas confondre avec l’urbanisme transitoire, trop réducteur aux yeux de Myriam Cau, qui anime un groupe de travail sur le sujet au sein du LIFTI. L’urbanisme de transition se distingue par sa prise en compte des enjeux écologiques et, précisément, de transition. C’est « une nouvelle façon de considérer le cycle de vie de la ville, qui s’inscrit dans un urbanisme circulaire », détaille l’urbaniste.

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L’une de ses déclinaisons en est l’« urbanisme tactique ». A l’instar de certaines « coronapistes » instaurées pendant le premier confinement et dont certaines ont été pérennisées, cette pratique permet de tester des solutions déclinées des politiques publiques, de les ajuster si besoin avant de les valider ou de les abandonner si elles ne donnent pas satisfaction.

Nouvelles formes contractuelles

« Longtemps, le principal objectif d’une collectivité ou d’un promoteur face à une friche entre deux occupations était de la protéger de toute intrusion, rappelle Myriam Cau. Au contraire, l’urbanisme de transition vise à explorer chaque espace intermédiaire de la ville, du bâtiment ou du quartier », résume-t-elle. Sur le plan juridique, de nouvelles formes contractuelles lient occupants temporaires et propriétaires, créant des espaces de confiance. Il est désormais possible de signer des conventions d’occupation transitoire  et autres baux précaires indexés sur l’activité et prévoyant des règles du jeu et de sécurité précises.

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Parfois, le projet temporaire influence les contours du projet définitif. Ce fut le cas des Grands Voisins, qui ont démontré lors de l’occupation de l’ancien site de l’hôpital Saint-Vincent de Paul (Paris 14eme) l’appétence du public pour des activités commerciales et de restauration jusqu’alors insoupçonnées.

A Roubaix, après une période de piètre gestion d’un couvent reconverti en logements sociaux, l’aménageur, constructeur et bailleur Vilogia a préféré céder le lieu pour des programmations culturelles de street art et de petits restaurants, moyennant un loyer très modéré. Ces occupants recréent de la valeur et aideront à terme Vilogia, à retrouver plus facilement preneur pour un projet pérenne.

Article rédigé en partenariat avec le salon Produrable