L’industrie européenne rêve de taxe carbone aux frontières
Dans une usine de chimie sur le Rhin.
La hausse attendue du prix du CO2 risque de susciter de nouvelles délocalisations. Qu’une contribution carbone à la frontière pourrait limiter.
Alors que l’UE vise la neutralité carbone à l’horizon 2050, l’industrie commence à faire entendre sa voix. Elle craint la concurrence d’entreprises étrangères évoluant dans des contextes législatifs moins contraignants et les risques liés à un écart de prix sur le carbone.
A cette fin, l’Association française des entreprises privées (Afep), qui représente 111 d’entre elles, a dévoilé une étude visant à quantifier les conséquences du Pacte vert. Et à mesurer les velléités de délocalisations. Sans grande surprise, « cette étude confirme le niveau sans précédent des fuites de carbone auxquelles les entreprises de l’UE seront confrontées dès 2030 et jusqu’en 2050 », explique l’Afep. Qui réclame des actions destinées à contrebalancer ces « fuites ». A l’horizon 2030, celles-ci pourraient augmenter de 9%, puis de 23% en 2050.
La Russie et les Etats-Unis en tête pour les relocalisations
Tous les secteurs ne seraient pas logés à la même enseigne. Les plus susceptibles de se délocaliser seraient la chimie (qui représente 35% des entreprises concernées), la métallurgie (33%), le ciment (14%) et le transport aérien (12%). Avec pour conséquence, une dispersion géographique des délocalisations.
Ainsi, les entreprises de la métallurgie, chimie et équipements manufacturiers s’expatrieraient prioritairement en Russie (22% des relocalisations). Les Etats-Unis (11%) quant à eux, pourraient capturer une part importante de l’industrie aérienne. Enfin, la Chine (9%), l’Inde (9%) et dans une moindre mesure, l’Afrique du Nord, pourraient récupérer une partie de l’activité des cimentiers européens.
Plaidoyer pour un mécanisme d’ajustement carbone aux frontières
Pour remédier à ces délocalisations, l’Afep plaide pour la mise en place d’un mécanisme d’ajustement carbone aux frontières (MACF), sur lequel planche l’exécutif européen. L’Afep l’envisage sous forme de taxe, ou d’un marché distinct du marché carbone européen pour les importations, à condition toutefois qu’il «soit accompagné de mesures de soutien fortes, comme des subventions compatibles avec l’OMC », estime l’organisation présidée par Laurent Burelle.
Et le PDG de Plastic Omnium estime nécessaire d’y associer des accords commerciaux à impact vert. « Le rapport préconise par exemple la conclusion d’un accord commercial réduisant les droits de douane sur les biens à faible intensité carbone et contribuant à la transition écologique. On pense, notamment, aux équipements liés au secteur des énergies renouvelables ».
Etude quantitative au printemps
Ce plaidoyer du monde de l’entreprise intervient alors que la Commission européenne planche activement à la mise sur pied d’un mécanisme d’ajustement carbone aux frontières (MACF). Un projet défendu en décembre 2019 par la présidente de la Commission européenne Ursula Von der Leyen. Ces travaux mèneront à la réalisation d’une étude quantitative, avant une proposition de loi en juin. « La méthodologie utilisée par cette étude n’est pas tout à fait la même que ce sur quoi nous travaillons, a expliqué Benjamin Angel, directeur de la DG Taxud (Fiscalité et Union Douanière) à la Commission européenne, lors d’une conférence. Il a néanmoins reconnu que l’institution souhaitait effectivement « construire une proposition qui soit compatible avec les règles de l’OMC ».
Article réalisé en partenariat avec la Fondation Heinrich Böll