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Mouans-Sartoux veut plus de latitude pour le bio

Lors d'une cueillette de courge, à Mouans Sartoux

Devenue une référence pour sa cantine 100 % bio et locale, la commune des Alpes-Maritimes souhaite relever le seuil des marchés publics pour l’achat de produits alimentaires bio.

« Il n’y a pas de pays fort sans résilience alimentaire » a affirmé le ministre de l’agriculture Julien de Normandie, lors d’un colloque parlementaire organisé par le Conseil national de la résilience alimentaire, le 8 avril. Le ministre a insisté sur la dépendance aux protéines végétales et la rémunération des agriculteurs. Sans mentionner la biodiversité ou l’agriculture biologique, des enjeux qui comptent pourtant de plus en plus au niveau local.

La petite ville de Mouans-Sartoux dans les Alpes maritimes s’est ainsi taillé une réputation nationale et européenne. Et ses villas de millionnaires avec vue sur la Côte d’Azur n’y sont pour rien. C’est sa cantine qui en fait une attraction unique en Europe. La ville, qui sert 1000 repas par jour, est passée au 100 % bio depuis 2012, et produit désormais ses propres fruits et légumes.

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Démarche santé et climat de longue haleine

Une démarche qui remonte loin. Le projet alimentaire de Mouans Sartoux est né lors de la crise de la vache folle en 1998, quand la ville décide de s’approvisionner exclusivement en bœuf bio. En 2005, la réflexion se porte sur l’équilibre alimentaire. « Mais en insistant sur les fruits, les légumes et les céréales, pour un motif de santé, on se retrouvait avec plus de pesticides dans les assiettes ! » raconte Gilles Perole, adjoint au maire de la ville.

C’est comme ça que l’idée de passer progressivement au bio pour tous les approvisionnements s’est imposée, alors que le Grenelle de l’Environnement envisageait dans le même temps un timide 20% dans les cantines. En parallèle, les écoles ont été invitées à mettre la main au potager. Des ateliers qui permettent aux enfants de planter ou d’arroser les légumes et les fruits qu’ils consomment ensuite, et de partager leurs expériences.

Coup de maître, la ville est arrivée à passer au bio à coûts constants, voire inférieurs. « La clé, ça a été d’abandonner les grammages recommandés, pour éviter le gaspillage. Les cantines jettent un tiers des matières qu’elles achètent aujourd’hui ! » explique celui qui est devenu un spécialiste de la restauration collective. Mouans-Sartoux a construit ses propres référentiels, en pesant les restes de chaque plat et en ajustant l’offre. Et plutôt que d’imposer des portions déjà faites, la cantine laisse les enfants choisir la quantité de ce qu’ils choisissent de manger. Bilan : de 147 grammes par repas, les restes alimentaires ont fondu à 30 grammes. Soit une économie de 20 centimes par repas.

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Deux repas végétariens par semaine

L’offre s’est aussi orientée rapidement vers la diversification des protéines, avec deux plats végétariens, deux de viande et un de poisson chaque semaine. « Manger moins de viande, c’est un choix pour la santé et le climat. Il n’y a pas de débat, et il faut le dépolitiser » assure l’adjoint. Qui est en revanche vent debout contre l’idée d’une alternative végétarienne chaque jour, actuellement en discussion dans la loi climat. Proposer deux plats plutôt qu’un complique les choses, tout en augmentant le gaspillage. Ce qui incite les mairies à faire appel à des prestataires extérieurs, et n’aura pas d’impact positif sur le climat en raison du gaspillage.

Seuil des marchés publics alimentaires rehaussé

La ville se lance dans nouvelle croisade : obtenir une autorisation européenne pour les achats d’alimentation bio des collectivités en gré à gré. L’obligation de passer par la procédure des marchés publics écarte la plupart des agriculteurs, qui ne peuvent pas suivre la contrainte administrative très lourde. « Si on contractualise avec une structure privée pour la cantine, elle pourra acheter des produits locaux et bio à un producteur sans problème. Nous, on est limités à 40.000 euros par an et par agriculteur » se désole l’élu, qui souhaite pouvoir augmenter l’enveloppe de dispense de marché public de 20% à 50%. Pour Mouans-Sartoux, la hausse de la commande concernerait surtout viandes et produits laitiers. La ville est en effet quasiment autonome pour sa production de légumes et de fruits. Plutôt que d’arroser des géraniums, trois de ses employés municipaux s’y consacrent à plein temps, un modèle très peu répandu malgré le nombre important de salariés municipaux en charge des espaces verts.

Bio et local, nouvelles obsessions des territoires

La démarche de Mouans-Sartoux fait en tout cas des émules. La ville, qui était chef de file du projet européen BioCanteens, réunissant des collectivités belge, italienne, portugaise, bulgare et roumaine, prévoit d’accompagner la transition d’une nouvelle fournée de villes candidates au passage en bio cette année. Elle anime aussi un réseau identique en France, Cantines durables-territoires engagés. Et de nombreux territoires se lancent dans des directions comparables, comme à Lyon, où le projet « Arc » pour une agriculture biologique a permis à la ville de s’associer à une quinzaine de producteurs locaux pour s’approvisionner en protéines végétales locales. Une vingtaine de tonne de lentilles sont ainsi livrées à la Métropole de Lyon.

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