L’Espagne met les bouchées doubles sur la transition énergétique
Iberdrola veut investir 75 milliards de dollars pour doubler ses capacités renouvelables d'ici à 2025.
Décidée à tourner la page du charbon, Madrid se prépare à changer de braquet dans l’éolien et le solaire.
Secouée par la tempête de neige Filomena, l’Espagne n’en reprendra pas moins d’ici quelques jours le fil de ses nouvelles ambitions énergétiques. Fin janvier, le 26 exactement, Madrid entend mener à bien un appel d’offres portant sur 3000 mégawatts (MW) d’énergies renouvelables. Le premier depuis 2017 avant d’autres prévus d’ici à 2025. Afin de respecter son plan de neutralité climat à horizon 2030, le pays vise 161 Gigawatts (GW) de nouvelles capacités, dont 50 d’éolien et 39 de solaire. Une partie sera attribuée via des enchères ou des aides à l’investissement, comme celles accordées par le Fonds européen de développement régional (Feder). « La production d’énergie concentrant les trois quarts des émissions de gaz à effet de serre, sa décarbonation reste la pierre angulaire de la transition énergétique et de la décarbonation de l’économie », peut-on lire dans son Plan national intégré énergie climat (PNIEC) remis à Bruxelles. Objectif affiché : 74% de renouvelables dans la production d’électricité en 2030, contre 44% environ aujourd’hui.
Iberdrola veut doubler sa puissance installée
Du côté des entreprises, l’engouement est déjà perceptible. En témoigne l’avalanche d’annonces du côté des grands énergéticiens qui, tous, dévoilent des plans d’investissement dans ces énergies vertes. D’abord Iberdrola, mais aussi Endesa, Repsol, Red Eléctrica, Enagás y Naturgy. Déjà largement positionné sur ces technologies, Iberdrola envisage d’investir 75 milliards d’euros d’ici à 2025, dont la moitié destinée aux renouvelables. De quoi doubler sa capacité installée actuelle d’ici à 2025, avec pas moins de 60 GW. Endesa a quant à lui annoncé en décembre sa volonté de miser 25 milliards d’euros sur le secteur d’ici 2030, dont 40% consacrés à l’extension de son parc de renouvelables.
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Cet élan est alimenté par les opportunités liées aux fonds alloués par l’Union Européenne dans le cadre du plan de relance.
La fin du cycle charbon
Parallèlement, l’Espagne entreprend un retrait historique du charbon, secteur longtemps soutenu par les politiques nationales et régionales. Mais les aides publiques ont été interdites par Bruxelles. S’y sont ajoutées une baisse de rentabilité et l’alternative renouvelable. Un contexte qui a convaincu Naturgy, Endesa et Iberdrola de fermer des centrales avant l’été prochain.
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En juin 2020, lors d’un mouvement inédit, huit d’entre elles – soit la moitié du parc en activité – ont cessé leurs activités. Trois autres devraient suivre cette année en Galice et en Andalousie. La municipalité de Los Barrios (Cadiz), qui abrite l’une d’entre elles, espère compenser la perte de revenus engendrée par cette fermeture par ceux issus de l’installation d’un parc éolien. D’après Greenpeace, le pays pourrait sortir définitivement du charbon dès 2025. D’ores et déjà, il ne contribue plus qu’à hauteur de 1,4% à la production énergétique nationale.
Vers un verdissement du ciment ?
Globalement, le plan énergie climat espagnol vise une réduction de 23% des émissions de gaz à effet de serre d’ici à 2030 pour mettre le pays sur la trajectoire de la neutralité carbone en 2050. Dans ce contexte, les réformes tardent encore à se faire connaître dans d’autres secteurs telles que les transports ou le bâtiment. Fin décembre, les cimentiers se sont fixé un objectif global de réduction de leurs émissions de 43% par rapport à 1990 à travers leur chaîne de valeur. Selon Pedro Linares, professeur de l’université Pontificia Comillas IIT, cette démarche a priori positive est à interpréter « avec prudence » : « Dans ce secteur, une grande partie de la baisse des émissions depuis 1990 est due à une réduction de l’activité, en partie causée par la bulle immobilière », explique-t-il. Ajoutant« pour le reste, rien n’est encore fait et les objectifs reposent en grande partie sur l’usage de technologies de captage et stockage du carbone (CCS) qui aujourd’hui ne semblent pas viables ». Sur le papier, « les intentions sont bonnes », concède-t-il, « reste maintenant à les concrétiser ».
Article réalisé en partenariat avec la Fondation Heinrich Böll