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Joe Biden conforte et challenge la politique climat européenne

11 novembre 2020

La dernière centrale à charbon allemande, Datteln 3, a été mise en route en 2020.

Alors que l’objectif de neutralité carbone en 2050 semble acquis pour près de la moitié du globe, l’UE ne peut rester leader sur le sujet climat sans des objectifs intermédiaires crédibles pour 2030.

C’est la première politique publique sur laquelle Joe Biden a insisté, avant même la confirmation de son élection. Le 5 novembre, alors que plusieurs Etats américains dépouillaient encore le résultat des élections, le candidat démocrate a répondu à un tweet de Donald Trump.

« Aujourd’hui, le gouvernement Trump a officiellement quitté l’accord de Paris. Et dans exactement 77 jours, le gouvernement Biden le rejoindra.”

L’impact de cette décision se traduire en chiffres : selon Climate Action Tracker, le volte-face américain permettra à la planète d’économiser 27 gitatonnes de Co2 entre 2020 et 2050. Si les autres engagements, notamment ceux de l’UE, de la Chine, du Japon et de la Corée du Sud, tiennent leur engagement d’émissions nettes équivalentes à zéro en 2050, le réchauffement moyen des températures pourrait se limiter à +2,3 degrés en 2100, et se rapprocher des 1,5 ° en 2050.

« Que peuvent faire les autres pays sinon suivre cette tendance croissante vers des émissions nettes zéro ? » s’interroge le directeur général du NewClimate Institute, Niklas Höhne. Concrètement, le programme de Joe Biden vise à injecter 5000 milliards de dollars sur 10 ans dans un « Green deal », un plan plus important en volume que le « pacte vert » européen (2000 milliards d’euros), mais proche dans l’esprit. Reste à négocier les étapes intermédiaires : quel objectif se fixeront les Etats-Unis pour 2030 ?

Quid de 2030 outre-Atlantique ?

Nul ne sait pour l’instant, et c’est sur ce sujet que la diplomatie europénne du climat s’apprête à se pencher. « Je m’efforcerai dans les prochaines semaines de mettre en place les premiers éléments d’un travail commun autour d’un Green deal transatlantique » assure Pascal Canfin, président de la Commission Environnement du Parlement européen.

Si la moitié de la planète s’est désormais engagée à se mettre en ordre de bataille pour des émissions nettes égales à zéro en 2050, simplement réintégrer l’accord de Paris ne fera pas des Etats-Unis un leader de l’action climatique. Ce rôle restera dévolu à l’Union européenne tant que l’administration américaine ne s’engage pas plus sérieusement via ses agences fédérales, notamment l’Agence de protection de l’environnement, dans une évolution concrète de ses politiques.

« Le Sénat, qui doit confirmer la nomination de beaucoup de responsables des agences fédérales, n’est pas sous le contrôle du parti démocrate » soulignent les experts de la banque HSBC, qui attendent une élection partielle en Georgie, en janvier prochain, pour se prononcer sur le sujet.

Pour conserver son rang de leader sur le sujet climat, l’Union européenne a désormais plus de pression aujourd’hui. « Le débat sur la loi climat sera d’autant plus tendu lors du Conseil européen de décembre », assure une source au Parlement européen. Les chefs d’Etat doivent trancher entre les propositions de la Commission européenne (- 55% d’ici 2030) ou du Parlement européen qui suggère un engagement plus fort (- 60 % d’ici 2030). L’Europe de l’Est est a priori peu motivée par un objectif plus élevé. Mais ce n’est pas simple non plus pour les deux poids lourds du climat en Europe, la France ou l’Allemagne.

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Focus sur les engagements de court terme

En France, la stratégie nationale bas carbone (SNBC) actuellement en place est alignée sur une réduction de 40 % des émissions de Co2 d’ici 2030. Or le pays n’est pas en ordre de marche pour atteindre cet objectif désormais insuffisant, comme l’a souligné le Haut Conseil pour le climat. En 2019, le budget carbone de la France aurait dû diminuer de 1,5 %, il ne l’a été que de 0,9 %. A partir de 2023, le recul des émissions doit atteindre 3,25 % par an. Des efforts insuffisants dans les transports et la disparition de la taxe carbone, qui était censée fournir des fonds pour financer la transition, expliquent en partie ce retard. Le ministère de la Transition écologique se penche actuellement sur l’objectif de 55 %.

En Allemagne, le dossier est encore plus épineux : l’industrie est notamment vent debout contre la probable hausse du prix des quotas, qui devrait traduire en chiffres la nouvelle politique européenne.  Et pour traduire cet nouvel engagement en actes, la Commission européenne devrait logiquement imposer une sortie du charbon plus rapide à tous les pays qui en utilisent encore, ce qui imposera d’accélérer le mouvement en Allemagne.

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Article réalisé en partenariat avec la Fondation Heinrich Böll