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Peut-on concilier démocratie et grands projets?

Le projet de mégacomplexe Europacity sur le triangle de Gonesse (95) e été abandonné en novembre 2019.

C’est à cette question que le think tank La Fabrique de la Cité s’efforce d’apporter des pistes de réponses, dans un ouvrage sous forme d’abécédaire.

« Aménagement du territoire », « Compensations écologiques », « Convention citoyenne pour le climat », « Finance verte », « Nature », « Résilience des infrastructures », « Zéro artificialisation nette », « ZAD »…ce sont là quelques-unes des quelque 40 entrées de l’abécédaire publié par La Fabrique de la Cité, think-tank dédié à la prospective et aux innovations urbaines créé en 2010 à l’initiative du groupe Vinci.

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On y trouve aussi « Contournement ouest de Strasbourg », « Europacity », « Grand Paris express », « LGV Lyon Turin », « Notre-Dame des Landes ». Car l’ouvrage, titré « Grands projets et démocratie : un guide pour l’action » est né du constat d’une contestation croissante au fil du temps des grands projets d’infrastructure et d’aménagement urbain.

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Des projets que l’auteure, Marie Baléo, responsable des études et des publications de la Fabrique de la Cité, ne considère pas comme de « Grands projets inutiles et imposés », qui font également l’objet d’un chapitre.  Au contraire, à ses yeux, les « Transitions démographique, urbaine et écologique » actuelles les rendent d’autant plus indispensables. « Sauf à opter pour la décroissance », ce qui n’est pas le parti pris du think tank ni de l’ouvrage, destiné à toutes les parties prenantes de la fabrique urbaine.

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De l’avis même de l’auteure, ce sujet de la croissance verte opposée à la décroissance en est le plus central. Car tout le reste, notamment les choix en matière de construction et d’aménagement du territoire, en découle. « Comment répondre à la transition démographique et à la métropolisation, comment relever les défis de la transition numérique et de la lutte contre le changement climatique sans concevoir et construire, pour les générations futures, de nouvelles infrastructures, de nouveaux projets d’aménagement ? » peut-on lire en introduction.

Analyser les sources d’une contestation croissante

D’où l’idée de réunir une trentaine de personnes – dont l’ancien directeur de la Revue Esprit, Olivier Mongin, d’anciens élus, des philosophes, des experts en environnement et en transition écologique, des spécialistes des ZAD et des collaborateurs de Vinci travaillant sur de grands projets. Et d’auditionner des experts. « Il fallait recréer une grammaire commune pour éclairer les différentes problématiques », détaille Marie Baléo. Car un langage commun s’impose pour permettre aux désaccords de s’exprimer sans déboucher systématiquement sur des blocages ou des débordements violents. Pour chacune de ses 37 entrées, identifiées à l’issue des auditions, plutôt que des définitions, l’ouvrage fournit en effet des éclairages, parfois contradictoires, qui reflètent la multiplicité des sujets que suscite la question des grands projets et de la démocratie.

L’objectif est clair : mieux comprendre les motifs et les sources de cette contestation croissante, afin d’identifier des pistes de dialogue et de concertation susceptibles de créer les conditions du débat et de la mise en œuvre de futurs grands projets.

Les préoccupations environnementales en sont de toute évidence l’une des principales, d’où les entrées consacrées à ces thématiques. Mais aussi, un rejet croissant de la mondialisation et de la métropolisation. Et, plus globalement, une crise de la démocratie représentative. La démocratie participative, également traitée dans l’ouvrage, apparaît comme une piste prometteuse.

Confiance, entreprise et intérêt général

A l’heure où la défiance semble se généraliser envers les institutions, les experts, entre les citoyens eux-mêmes, avec une radicalisation des débats, le sujet de la confiance est plus central que jamais…« Qui est capable d’amener cette confiance ? » s’interroge Cécile Maisonneuve, présidente de la Fabrique de la Cité. Quel est dans ce contexte le rôle de l’entreprise, prise entre deux feux dans le cas des grands projets, d’un côté l’Etat représenté par le préfet, de l’autre l’opposition locale ?  « L’entreprise a sans doute un rôle à jouer, qu’elle n’assume pas encore totalement. » Un rôle qui pourrait trouver sa place dans sa « raison d’être ». « Sur ce sujet aussi, on est sur une courbe d’apprentissage, y compris dans nos attentes vis-à-vis des entreprises à mission, estime-t-elle. Leur raison d’être ne doit pas être une « anti-raison sociale. » Et de rappeler que dans « Recherches sur la nature et les causes de la richesse des nations » Adam Smith fait valoir qu’en recherchant son propre bénéfice, chaque individu agit ce faisant à son insu pour le bien de l’ensemble de la société. 

« Il y a une cristallisation autour de la notion d’intérêt général » observe Cécile Maisonneuve. Lequel « n’existe pas en substance », mais résulte de la prise en compte des enjeux des différentes parties prenantes, d’un dialogue et du consensus qui en résulte.

Un grand projet, ça n’est rien d’autre que la rencontre entre un territoire, ses besoins, la capacité d’une entreprise à y répondre en s’appuyant sur ce qu’elle a pu faire ailleurs, l’envie des citoyens…Le monde des grands projets est un monde de la complexité. D’où la nécessité de favoriser la circulation des idées, comme y invite cet ouvrage.